Une escapade au Haut-Karabagh

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Col de Sotk entre le lac Sevan et le Karabagh

Après 3 jours passés au bord du lac Sevan en Arménie, c’est avec joie que nous sommes arrivés au Haut-Karabagh ou Artsakh en arménien. C‘est un pays globalement non reconnu par la communauté internationale : Google maps nous identifie par exemple en Azerbaïdjan. Mais sur place le pays est complètement contrôlé par l’état du Karabagh (Nagorno-Karabagh). Il faut d’ailleurs un visa officiel délivré au ministère situé à Stépanakert – capitale du Karabagh – pour pouvoir s’y rendre.

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Welcome to Karabagh !

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Une bonne heure de descente sur piste c’est assez épuisant !

On s’est fait plusieurs fois contrôler dans la région, et la situation était toujours marrante car nous n’avions pas de visa avant d’arriver à la capitale, du coup après plusieurs coups de téléphone, les militaires qui nous contrôlaient nous expliquaient qu’il fallait qu’on aille à la capitale. Mais en vélo ça prend du temps 🙂

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Pendant la période soviétique, cette région a été rattachée à l’Azerbaïdjan bien que principalement peuplée d’arméniens. A la chute de l’URSS, la Géorgie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan ainsi que la région du Karabagh proclament leur indépendance. L’armée azérie souhaite conserver son contrôle sur le Karabagh et envoie son armée… c’est le début d’un long conflit….

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La guerre cesse en 1994 mais il existe encore aujourd’hui des tranchées au niveau de la frontière non reconnue. Les tensions ont repris depuis 2016 avec des morts de chaque côté. La TV arménienne consacre une grande partie de ces programmes à cette « guerre de tranchée »… Au Karabagh, on croise des monuments avec des tanks, des canons pour la mémoire des morts. On sent que la ligne de front et le conflit sont dans tous les esprits.

De manière générale en Arménie ou au Karabagh, on nous parle souvent des azeris, les gens veulent s’assurer qu’on « n’aime pas » les azéris ou qu’on n’a pas l’intention d’y aller. De toute façon, maintenant avec notre visa de la république d’Artsakh, on ne peut plus se rendre en Azerbaïdjan. Cela nous rappelle les balkans, où le sujet de la guerre revenait souvent.

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Le long canyon qui descend depuis le col de Sotk

Nous avons dormi chez Sonia, une jeune mamie qui habite au Karabagh. Elle avait perdu 4 de ses 5 enfants ainsi que son mari pendant la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Elle a fui Baku (Azerbaïdjan) pour s’installer au Karabagh. Très touchante rencontre… On pense qu’elle nous avait vu avec son grand camion russe lors de la descente du canyon et qu’elle s’était mise au bord de la route pour nous inviter.

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Petit déjeuner avec Sonia dans son jardin au pied du monastère de Dadivank

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Monastère de Dadivank

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Dadivank

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Le pays est donc peuplé majoritairement d’arménien et reste difficile d’accès… ce qui en fait un petit paradis pour les cyclistes ! La nature est préservée et magnifique. Montagnes, rivières, canyon, paysages à couper le souffle surtout après notre bref séjour au lac Sevan en altitude, cela nous a fait du bien de retrouver un peu de verdure, et de belle nature.

Nous avons passé une soirée du 24 avril arrosée dans un petit village à parler encore une fois de l’amitié franco-arménienne, de Sarkozy, d’Aznavour (encore et toujours) et surtout, ce soir là, du génocide arménien. En effet le 24 avril est la date de la commémoration du génocide arménien.

Entre 1915 et 1916 le mouvement des jeunes turcs (qui donnera naissance à la Turquie actuelle suite à l’effondrement de l’empire Ottoman) ordonna la déportation de milliers d’arménien. Cela eut pour conséquence la mort d’environ 1,2 d’arméniens qui vivaient alors dans l’est de la Turquie actuelle. C’est un sujet sensible et très important pour la communauté arménienne car la reconnaissance du génocide est encore sujet à controverse. La Turquie refuse actuellement de reconnaître cet épisode de son histoire…

Après avoir été sous le joug de l’empire russe, les arméniens subissent de plein fouet la chute de l’empire ottoman avec les ambitions turques, puis l’arrivée d’un nouvel « empire » qu’est l’URSS. L’éphémère « République d’Arménie » entre 1918 et 1920  qui s’installe sur les territoires de la grande Arménie historique ne sera qu’un court rêve puisque la Turquie puis la Russie bolchevique ne feront qu’une bouchée de ce petit pays.

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Nous nous sommes offerts une petite journée de pause dans la capitale pour faire nos visas, déguster les bons petits plats arméniens et surtout faire un gros dodo après une bonne douche chaude !

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Tu joues, tu gagnes un paquet de clopes !

Et c’est ensuite reparti pour les cols et grandes montées qui caractérisent aussi le Karabagh !

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Et tout redevient vert en dessous de 1600m ou comment changer de saison en une journée !

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Frontière Karabagh-Arménie

Une dernière nuit passée à la frontière avec un petit feu pour se réchauffer car les nuits sont encore fraîches à cette période ! Et les loups étaient encore de la partie cette nuit là… (mais mamounette ne t’inquiète pas ils s’attaquent aux chiens dans les villages mais pas aux tentes de cyclotouristes ^^ surtout qu’on ne sent pas toujours très bon !)

 

La Géorgie ou l’arrivée en ex-URSS

Nous avions laissé la Turquie avec en dernière impression la gentillesse incroyable des turcs (et les nombreux thés bus !) mais aussi des températures fraîches et des paysages minéraux.
C’est toujours avec beaucoup de curiosité, d’excitation et un peu d’appréhension que nous passons les frontières à vélo. Après avoir pris nos habitudes dans un pays – appris quelques mots, savoir comment se comportent les gens et connaître le type de commerces qu’on pourra trouver pour l’eau et la nourriture – on se replonge dans l’inconnu. En passant les frontières à vélo on réalise à quel point les cultures sont différentes à quelques mètres d’écart. Et c’est encore plus vrai entre la Turquie et la Géorgie (tout comme entre la Grèce et la Turquie).
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Dès les premiers villages nous apprenons à connaître notre nouvel environnement ! Un peu moins de coucous mais les gens répondent avec un grand sourire à nos signes de la main. Le réseau de station essence qui nous permet en Turquie de recharger régulièrement eau et pique-nique est beaucoup moins dense et les stations sont comment dire, un peu comme dans les films des années 60 ! Le parc automobile change aussi beaucoup et au moins 2 voitures sur 3 sont des Lada vestiges de l’union soviétique. Et surtout ce n’est plus du thé que nous proposent les gens mais des shots de vodka ! Flo passe à travers les mailles du filet car mine de rien ce sont beaucoup plus les hommes qui boivent ! Et forcent Martin à trinquer avec eux (dur dur car il a de mauvais souvenirs de soirées à la vodka ;-)) ! Les gens fument comme des sapeurs ici ! Il faut dire que le paquet de cigarettes coûte aux alentours de un euro.
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La Géorgie nous a réservé de belles surprises en terme d’accueil ! Nous avons souvent rencontré des familles adorables même s’il est un peu difficile de communiquer car personne ne parle anglais. Ici c’est géorgien ou russe ! (d’ailleurs il y a beaucoup de produits russes dans les magasins).
Nous avons aussi testé les pistes géorgiennes qui permettent de rouler dans des zones plus reculées. C’est génial quand il fait beau mais quand c’est mouillé le lendemain le défi à relever est bien plus important ! Surtout pour Flo ! Heureusement Martin est un super coach et c’est parti pour le VTT avec sacoches dans la gadoue, ou plutôt la « Russian asphalt » comme l’appelle les locaux 😀
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Into the georgian wild

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La team qui nous a nettoyé au Karsher nos vélos !

Nous avons eu un énorme coup de cœur pour Tbilissi la capitale et surtout on y a retrouvé le printemps avec ses températures clémentes et les arbres en fleur. Nous y sommes arrivés un peu plus tôt que prévu. Après un petit col nous avons été surpris par un vent très fort en pleine descente. Il était de côté et c’était presque impossible de rouler. On nous a gentiment proposé de nous descendre en voiture. Et puis comme le pilote, car il s’agissait d’un véritable pilote de montagne, continuait à rouler et allait jusqu’à Tbilissi, que Flo avait vraiment besoin d’une pause on s’est laissé tenter ! 🙂
Tbilissi est une ville très verte avec un centre tel qu’on imagine le centre de Paris si Haussman n’était pas passé par là.
Des maisons avec beaucoup de bois, qui pour beaucoup défient les lois de la gravité. On se demande comment elles tiennent encore debout !
Des ruelles sinueuses qui réservent de belles surprises. On a donc déambulé dans la ville, visite quelques églises, dégusté du vin et profité de quelques bonnes tables. On ne se refait pas !
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Et surtout, on n’a pas oublié de fêter Pâques  avec la traditionnelle « Panetone géorgienne ». On en a fait des stocks sur le vélo 🙂
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Allez zou, on file vers l’Arménie maintenant !
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Les montagnes de l’est turc

Nous voilà partis déjà depuis plus d’une semaine et nous sommes complètement replongés dans le rythme du vélo. On s’adapte très vite 🙂 Les très nombreux thés turcs qu’on nous propose à n’importe quelle heure de la journée aident bien. Et avec l’hiver des montagnes turques, on ne dit pas non !

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Un petit çay pour remonter les vélos !

 

Nous avons retrouvé la Turquie qu’on avait adorée l’été dernier, avec la gentillesse des gens, leur hospitalité, et leur volonté de toujours nous aider. Il faut reconnaître que cela tranche avec l’idée que l’on s’en fait en France. Beaucoup de gens nous ont demandé avant le départ si ce n’était pas risqué d’aller en Turquie étant donné le contexte actuel. La situation n’est pas rose en Turquie mais sur les petites routes avec son vélo, on se sent vraiment en sécurité ici. C’est même rassurant d’être ici, car « rien ne peut nous arriver », en cas de pépin, on sait qu’on nous aidera.

 

Flo a ses petites astuces pour faire face à la météo et au dénivelé !

Les turcs nous ont encore montré à quel point l’hospitalité est importante pour eux, et cela nous a bien aidé car le climat dans la région n’est pas encore très clément 🙂 On a appris qu’on était dans la région la plus froide de Turquie : au programme neige, vent, température proche de 0°C 🙂 Nous avons passé notre première semaine entre 1700m et 2100m, loin du printemps parisien que nous avons laissé derrière nous.

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Des montagnes et des orages

Etant données les températures plutôt fraîches, nous nous sommes souvent réfugiés à « l’intérieur », et en Turquie la TV est toujours allumée. Au programme ces jours ci, le référendum pour la modification de la constitution turque pour renforcer le pouvoir présidentiel. Parler de politique avec les personnes qui nous invitent chez eux est toujours délicat, mais nous avons eu quelques occasions d’échanger sur le sujet. Derrière le référendum se cache des sujets profonds qui animent la Turquie en ce moment. Le poids politique de l’Islam grandit depuis l’arrivée d’Erdogan au pouvoir en 2002, en s' »opposant » aux valeurs laïques d’Attaturk fondateur de la nation turque actuelle. Derrière ce referendum se cache aussi une réaction sécuritaire face au dernier coup d’état raté du 15 juillet 2016. Tout cela est bien complexe pour être résumé en quelques lignes car le référendum tourne aussi autour de la personne du président actuel Recep Tayyip Edrogan qui est très apprécié dans les zones rurales pour avoir accompagné le développement du pays mais aussi très critiqué car il monopolise le pouvoir depuis 2002, et dont le pouvoir prend des tournures autoritaires.

Depuis notre arrivée, nous suivons donc la couverture médiatique du référendum qui fait la une de la presse, des journaux télévisés, et qui occupe une bonne partie de la matinée à la TV. Nous étions étonnés de n’entendre parler que de « Evet » qui signifie « Oui » en turc. En fait la couverture médiatique est très inégale, aucune émission  n’est consacrée au « Hayir » qui signifie « non ». En effet, à cause de l’état d’urgence (suite à la tentative de coup d’état), la règle d’équité du temps de parole n’a pas besoin d’être respectée.

Le référendum se tient aujourd’hui, dimanche 16 avril, en Turquie !

C’est donc entre flocons de neige, soleil, vent, discussions, référendum et thés que nous avons passé notre première semaine dans l’est « glacial » de la Turquie.

 

Prochaine destination, le « Gürcistan » ou Géorgie !

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Avant de passer la frontière nous avons pu profiter une dernière fois de la Turquie en partageant un déjeuner avec des routiers turcs qui font la navette entre l’Azerbaïdjan et Istanbul.

 

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Au revoir la Turquie et en route vers la Géorgie !