Une escapade au Haut-Karabagh

20170423-DSCF0940-Silk Road

Col de Sotk entre le lac Sevan et le Karabagh

Après 3 jours passés au bord du lac Sevan en Arménie, c’est avec joie que nous sommes arrivés au Haut-Karabagh ou Artsakh en arménien. C‘est un pays globalement non reconnu par la communauté internationale : Google maps nous identifie par exemple en Azerbaïdjan. Mais sur place le pays est complètement contrôlé par l’état du Karabagh (Nagorno-Karabagh). Il faut d’ailleurs un visa officiel délivré au ministère situé à Stépanakert – capitale du Karabagh – pour pouvoir s’y rendre.

20170423-DSCF0951-Silk Road

20170423-DSCF0945-Silk Road

Welcome to Karabagh !

20170423-DSCF0956-Silk Road

Une bonne heure de descente sur piste c’est assez épuisant !

On s’est fait plusieurs fois contrôler dans la région, et la situation était toujours marrante car nous n’avions pas de visa avant d’arriver à la capitale, du coup après plusieurs coups de téléphone, les militaires qui nous contrôlaient nous expliquaient qu’il fallait qu’on aille à la capitale. Mais en vélo ça prend du temps 🙂

20170423-DSCF0950-Silk Road

Pendant la période soviétique, cette région a été rattachée à l’Azerbaïdjan bien que principalement peuplée d’arméniens. A la chute de l’URSS, la Géorgie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan ainsi que la région du Karabagh proclament leur indépendance. L’armée azérie souhaite conserver son contrôle sur le Karabagh et envoie son armée… c’est le début d’un long conflit….

langfr-1280px-Az-qa-location-fr.svg

La guerre cesse en 1994 mais il existe encore aujourd’hui des tranchées au niveau de la frontière non reconnue. Les tensions ont repris depuis 2016 avec des morts de chaque côté. La TV arménienne consacre une grande partie de ces programmes à cette « guerre de tranchée »… Au Karabagh, on croise des monuments avec des tanks, des canons pour la mémoire des morts. On sent que la ligne de front et le conflit sont dans tous les esprits.

De manière générale en Arménie ou au Karabagh, on nous parle souvent des azeris, les gens veulent s’assurer qu’on « n’aime pas » les azéris ou qu’on n’a pas l’intention d’y aller. De toute façon, maintenant avec notre visa de la république d’Artsakh, on ne peut plus se rendre en Azerbaïdjan. Cela nous rappelle les balkans, où le sujet de la guerre revenait souvent.

20170423-DSCF0963-Silk Road

Le long canyon qui descend depuis le col de Sotk

Nous avons dormi chez Sonia, une jeune mamie qui habite au Karabagh. Elle avait perdu 4 de ses 5 enfants ainsi que son mari pendant la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Elle a fui Baku (Azerbaïdjan) pour s’installer au Karabagh. Très touchante rencontre… On pense qu’elle nous avait vu avec son grand camion russe lors de la descente du canyon et qu’elle s’était mise au bord de la route pour nous inviter.

20170424-DSCF0974-Silk Road

Petit déjeuner avec Sonia dans son jardin au pied du monastère de Dadivank

20170424-DSCF1011-Silk Road

Monastère de Dadivank

20170424-DSCF1014-Silk Road-HDR

Dadivank

20170424-DSCF1017-Silk Road

 

Le pays est donc peuplé majoritairement d’arménien et reste difficile d’accès… ce qui en fait un petit paradis pour les cyclistes ! La nature est préservée et magnifique. Montagnes, rivières, canyon, paysages à couper le souffle surtout après notre bref séjour au lac Sevan en altitude, cela nous a fait du bien de retrouver un peu de verdure, et de belle nature.

Nous avons passé une soirée du 24 avril arrosée dans un petit village à parler encore une fois de l’amitié franco-arménienne, de Sarkozy, d’Aznavour (encore et toujours) et surtout, ce soir là, du génocide arménien. En effet le 24 avril est la date de la commémoration du génocide arménien.

Entre 1915 et 1916 le mouvement des jeunes turcs (qui donnera naissance à la Turquie actuelle suite à l’effondrement de l’empire Ottoman) ordonna la déportation de milliers d’arménien. Cela eut pour conséquence la mort d’environ 1,2 d’arméniens qui vivaient alors dans l’est de la Turquie actuelle. C’est un sujet sensible et très important pour la communauté arménienne car la reconnaissance du génocide est encore sujet à controverse. La Turquie refuse actuellement de reconnaître cet épisode de son histoire…

Après avoir été sous le joug de l’empire russe, les arméniens subissent de plein fouet la chute de l’empire ottoman avec les ambitions turques, puis l’arrivée d’un nouvel « empire » qu’est l’URSS. L’éphémère « République d’Arménie » entre 1918 et 1920  qui s’installe sur les territoires de la grande Arménie historique ne sera qu’un court rêve puisque la Turquie puis la Russie bolchevique ne feront qu’une bouchée de ce petit pays.

20170425-DSCF1055-Silk Road

Nous nous sommes offerts une petite journée de pause dans la capitale pour faire nos visas, déguster les bons petits plats arméniens et surtout faire un gros dodo après une bonne douche chaude !

20170426-DSCF1062-Silk Road

Tu joues, tu gagnes un paquet de clopes !

Et c’est ensuite reparti pour les cols et grandes montées qui caractérisent aussi le Karabagh !

20170427-DSCF1107-Silk Road-HDR

Et tout redevient vert en dessous de 1600m ou comment changer de saison en une journée !

20170427-DSCF1125-Silk Road

 

20170427-DSCF1165-Silk Road

Frontière Karabagh-Arménie

Une dernière nuit passée à la frontière avec un petit feu pour se réchauffer car les nuits sont encore fraîches à cette période ! Et les loups étaient encore de la partie cette nuit là… (mais mamounette ne t’inquiète pas ils s’attaquent aux chiens dans les villages mais pas aux tentes de cyclotouristes ^^ surtout qu’on ne sent pas toujours très bon !)

 

Les montagnes russes arméniennes

20170419-DSCF0866-Silk Road

L’arrivée en Arménie est assez naturelle en venant de Géorgie, la culture étant assez proche. Le choc de culture se situait davantage entre la Turquie et le Caucase : on quittait alors le monde de l’Islam avec le chant des imams qui rythmaient nos journées avec le retour aux églises, et surtout le monde « russe ».

Les visages changent, on ne parle en Arménie pas plus anglais qu’en Georgie mais toujours autant le russe. Si bien qu’on mélange les mots arméniens et russes sans savoir quelle langue nous parle les gens. On excelle surtout dans les mimes et ça marche bien. On regrette de ne pas connaître un peu plus le russe pour apprendre un peu plus des gens, mais il faut encore qu’on apprenne notre petit livre de communication russe. Ca nous a motivés pour nous y mettre avant l’Asie Centrale en tout cas !

En Arménie, c’est aussi le retour du « Turkish coffee » qu’on avait découvert dans les balkans. En Grèce, on l’appelait « Greek cofee », en Turquie on n’en a jamais bu et ici c’est l’ « Armenian coffee » 🙂 Fini aussi les çay toutes les heures. C’est quelque chose qui nous manque rapidement. Mais ici, comme en Géorgie on redécouvre la bière et surtout la vodka ! Véritable substitut de l’eau surtout pour les locaux ! 😀

Tout est prétexte pour se faire un petit cul sec de vodka : l’amitié franco-arménienne, le fait qu’on soit des « brothers, à l’Arménie, à la France, au Karabagh, à Poutine, à Sarkozy (qui est très connu ici pour ses propositions de textes pour « réprimer la négation » du génocide arménien). On nous a même proposé de la vodka à 10h du matin alors qu’on voulait juste chercher un peu d’eau. Bref ici, il faut la jouer filou pour ne pas terminer « torchon » sur son vélo !

 

20170419-DSCF0856-Silk Road

Pralinette est prête pour la chasse !

La Russie a très bonne image en Arménie, les gens regardent la TV russe, l’armée russe est présente sur les frontières, la plupart des gens parlent russes et nous vantent la puissance de Poutine en tant qu’ »homme fort » … et hop une petite vodka pour Poutine ! 🙂

Il faut aussi avouer qu’être français en Arménie, c’est un véritable facteur de sympathie, les arméniens aiment beaucoup la France, on nous parle souvent d’Aznavour et aussi de Zidane. Ce dernier n’a rien à voir mais les gens l’aiment beaucoup aussi ^^

20170419-DSCF0867-Silk Road

On sait aussi qu’on est dans un pays de l’ex-URSS avec le réseau de gaz « visible » comme à Berlin-est. Au début cela nous surprend, et au bout de quelques jours on s’habituent très vite, et on trouve cela utile pour poser ses vélos pour faire une petite pause. En effet, les tuyaux de gaz sont hors de terre, ce qui donne des paysages parfois rigolos avec des ponts de tuyaux, des entrées pour voiture contournées par les tuyaux.

20170418-DSCF0820-Silk Road

Le dédale de tuyaux

Pour arriver au Lac Sevan, un petit col s’offre à nous avec un tunnel qui en coupe la fin. Deux arméniens se proposent de faire « bouchons » et rouler derrière nous pour qu’on soit tranquilles dans le tunnel 🙂 Sympa ces arméniens ! Petzel sur le front, c’est parti pour le tunnel avec notre escorte derrière nous. Flaques, trous, et eau qui coule du plafond pour rythmer notre courte aventure dans le noir.

A l’arrivée les gardiens du tunnel nous accueillent dans leur poste de sécurité qui fait aussi office de serre pour les plantes. Quelques bouteilles de vodka sont posées sur la table, on nous sert café, pain, viande et vodka pour Martin qui a désormais appris à faire semblant de boire !

20170420-DSCF0884-Silk Road

On s’est offert une petite pause au lac Sevan mais nous avons été extrêmement déçu. A cette période de l’année, le printemps n’est pas encore là à 1900m d’altitude, si bien que la nature est assez triste : pas de végétation, très peu d’arbre.

20170421-DSCF0898-Silk Road-HDR

Monastère à Sevan

La zone est très poussiéreuse, il y avait énormément de vent, et beaucoup de détritus sur le bord du lac, des sacs plastiques et bouteilles de bière sur la route…  On roulait à 6km/h, petit plateau grand pignon (même effort que pour grimper un col à 14% !).

20170423-DSCF0933-Silk Road

Les décharges à ciel ouvert montrent à quel point le plastique est une catastrophe… Et ici pour tout et n’importe quoi les commerçants emballent dans des sacs plastiques. Et ils sont très étonnés quand on refuse !

Bref, on en a bavé pour sortir de là. On a par contre bien rigolé lorsque Martin a demandé un second chauffage dans notre petite chambre (il faisait 7°C), et la tenancière lui a sorti un grand NIETOU ! (A priori c’est du russe 😀 )

L’Arménie c’est aussi le paradis des Lada ! Pas besoin d’aller à Cuba pour voir des vielles voitures 😀

On goûte aussi à la joie des markets où l’on trouve essentiellement de la vodka, des biscuits et des petites friandises pour accompagner le café (véritable institution ici). Dans les petits villages en montagnes, on peut se procurer une bonne vingtaine de vodka différentes, mais il est parfois difficile d’avoir un petit peu de pain ou d’eau 🙂 Mais les petits villages sont aussi l’occasion de goûter aux fromages frais et bon miels locaux (les deux ensemble nous font tous nos petits déjeuner d’ailleurs).

20170422-DSCF0913-Silk Road

Vodka ou bonbons ?

Après le Lac Sevan, nous avons fait une petite escapade au Haut-Karabagh qui fera l’objet d’un article à part. Ce sera l’une des plus belles parties de notre périple en Arménie avec la réserve de Shikahogh.

20170428-DSCF1184-Silk Road

En suivant les conseils d’Anne et Pierre-Alain qui avaient parcouru la Géorgie, Arménie, Iran et Oman en tandem (ceux qui nous ont prêté la Bête l’année dernière) nous sommes allés au monastère de Tatev avec sa petite ascension sur piste qui nous a laissé de bons souvenirs de pentes à 14%. La Bête (petit nom que nous avons donné au tandem) a dû souffrir à l’époque ! Heureusement que ses plateaux étaient en bon état en Arménie, car ici, le plat n’existe pas 🙂

20170429-DSCF1221-Silk Road

Monastère de Tatev

20170429-DSCF1223-Silk Road

On a croisé plein de cochons, chevaux, vaches, ânes, poneys en liberté dans les villages

La fin de notre traversée de l’Arménie se termine dans le canyon de l’Araxe – frontière naturelle entre Iran et Arménie. Le changement de paysage et de température est radical après seulement un col passé. On sent qu’on se rapproche de l’Iran et de l’Asie centrale. Et on est tout excités d’y arriver !

Avant d’arriver à la frontière on croise une voyageuse à vélo qui vient de Singapour avec laquelle nous échangeons quelques tips sur l’Iran et le Caucase.

20170501-DSCF1268-Silk Road

Avant de quitter l’Arménie, le long de la frontière, nous avons le droit à un dernier contrôle par des militaires (russes ? arméniens ?) qui nous demandent nos visa. Petit moment d’hésitation car en tant que Français nous n’en avons pas besoin. Les soldats regardent sur internet, appellent leur chef. Oui c’est vrai les « françouses » n’ont pas besoin de visa en Arménie. Puis ils demandent à Martin son appareil photo qui a eu le malheur de prendre en photo les paysages montagneux iraniens depuis l’Arménie… « Niet foto ! » : pas de photos de la rivière qui fait office de limite naturelle entre les deux pays. Le soldat se met à regarder toutes nos photos depuis le début… La discussion se fait par traduction vocale du russe au français via google. C’est assez rigolo ! Bref, pendant les 10 prochains km, on se sent surveillé par tous les miradors russo-arméniens qui bordent l’Araxe ! L’Asie centrale se rapproche 🙂

20170501-DSCF1255-Silk Road

L’Arménie nous laissera de très jolis souvenirs avec une nature magnifique surtout en cette période printanière, les loups la nuit, de jolies courbatures car pas une seule journée sans un col ou plusieurs côtes avec des moyennes à 8-9% et des pics à 14%. Et aussi pour la simplicité et la gentillesse des gens. Encore un pays où il fait bon être cyclo-voyageur 🙂